
Les 5 Supplices
Les Investigateurs

Voici les 8 investigateurs qui se lanceront dans cette aventure. Les MJ remarqueront que Meï FANG est passée de PNJ à Joueur, cela demande certaines modifications dans les scénarios mais ceci me paraissait indispensable au vu du nombre de joueurs (la campagne est prévue à l'origine pour maximum 5 joueurs).
Il est à noté également que 2 d'entres eux sont des vétérans de la campagne "Les Masques de Nyarlathotep (qu'ils ont vécu du depuis le début !).
En fait, mon idée première était de partir sur des nouveaux investigateurs pour tout le monde, mes deux de mes joueurs ont souhaité reprendre leurs personnages de la campagne précédente (même si pour Gillian, un séjour en hôpital psychiatrique s'imposait, histoire de ne pas débuter Les 5 supplices avec 26 de SAN) et un autre joueur m'a demandé s'il pouvait reprendre son personnage qu'il avait joué pour le drnier "one shot" : Un village ordinaire.
Pour plus d'informations sur chaque investigateur, cliquez sur la photo correspondant.
Callum McGREGOR
Rose DESCHANNEL
Meï FANG
Sarah CALLIER
Derek HARTMAN
Trailer de la Campagne
En me basant sur la bande annonce faite par les Editions Sans Détour pour Les 5 Supplices, j'ai créé le trailer adapté à ma version de la campagne.
Pour chaque chapitre, il y aura un trailer "fait maison".
Trailer de l'Acte 1 : Paris
Voici le trailer de la première séance de la campagne, en y introduisant les investigateurs.
La Legende des Rançonneurs de Droit Divin
Plutôt que de créer un théâtre des ombres et de jouer la scène, j'ai opté pour une version "cinéma" de la légende, après bien-sûr avoir bien décrit le contexte et l'ambiance du théâtre des ombres et que les personnages voyaient les scènes se jouer devant eux avec des marionnettes et décors de cuirs et cartons derrière une toile blanche.
Acte 1 : Paris
Acte 1 : Paris
Samedi 29 Août 1931
En soirée, un petit théâtre au fond d’une impasse proche du quartier de la Chaussée d’Antin à Paris accueillait des visiteurs et se remplissait rapidement. L’endroit contenait une cinquantaine de personnes, les murs étaient couverts d’estampes et de lampions rougeâtres d’où pendaient des liserés dorés. Il flottait dans l’air les effluves d’encens inconnus.
Sur la droite, au devant de la scène, Derek entamait la conversation avec Callum et les deux hommes commençaient à faire connaissance. A côté d’eux, Earl restait discret et tendait une oreille attentive à l’échange des deux anglais. Quelques minutes plus tard, un homme d’une quarantaine d’années attira l’attention : il arriva accompagné de trois jolies jeunes femmes. C’est alors que l’une d’elle, Gillian, reconnut Earl et se précipita à sa rencontre, les yeux pétillants ; en effet les deux amis ne s’étaient pas revus depuis 6 ans, depuis les terribles événements de l’île du Dragon Gris, non loin de Shangaï. La jeune femme ne put s’empêcher de serrer Earl dans ses bras et ce dernier lui donna un baiser sur le front, renvoyant avec la même intensité l’étreinte de la jeune femme. Le temps sembla alors se figer et pendant quelques secondes, ils n’étaient plus que tous les deux. Chacun prit le temps de respirer le parfum de l’autre et des souvenirs remontèrent. Edward toussa alors, afin d’attirer l’attention de Gillian et cette dernière se détacha d’Earl.
- Oh, je vais faire les présentations. Gillian se dirigea vers Edward et l’emmena vers Earl. Je te présente Edward, un ami. Puis, portant son regard vers les jeunes femmes. Et voici Rose et Sarah, nous avons passé la semaine ensemble, je leur ai fait visiter l’Exposition Coloniale Internationale ainsi que quelques petits endroits sympas de Paris.
Earl serra la main d’Edward et salua les deux jeunes françaises.
- Je m’appelle Earl, un vieil ami de Gillian… Enchanté.
Les présentations furent stoppées par la baisse de luminosité de la salle. Un jeune chinois vint au devant de la scène, salua le public puis disparut derrière une large toile blanche qui occupait toute la scène. Quatre numéros d’ombres chinoises se succédèrent alors ; derrière la toile, par transparence, un artiste donnait vie à des silhouettes noires. Puis après une courte pause, une voix avec un fort accent asiatique annonça : Voici une ancienne légende, celle du Rançonneur de Droit Divin.
« Bien avant l’arrivée des premiers évangélistes portugais, longtemps avant le rayonnement de la dynastie Shang, les Rançonneurs de Droit Divin faisaient planer sur toutes les provinces chinoises le murmure terrifiant de leurs étendards de soie. Investis des plus terribles pouvoirs et escortés par de monstrueux coursiers des tourmentes, ils pouvaient faire trembler la terre ou rouler des torrents de boue. L’annonce de leur approche faisait fuir les esprits tandis que les prêtres s’enfermaient en récitant des litanies que seule la mort pouvait interrompre. Les peuples qui ne payaient pas l’impôt millénaire exposaient leurs terres, leurs vies et celles de leurs descendances aux châtiments des Rançonneurs.
Sachez qu’il fut un prince pour invoquer un jour l’abolition du droit. Il unit les provinces et lança des millions d’hommes contre cette caste de seigneurs infernaux. La guerre dura des siècles. Des millions de guerriers furent sacrifiés. Jusqu’au jour où les Rançonneurs durent se réfugier dans leur citadelle. Las de cette guerre, l’un d’eux proposa une trêve aux hommes et ouvrit les portes de la forteresse. Les Rançonneurs dénoncèrent dans l’instant ce sacrilège et châtièrent le traître en lui arrachant la peau du dos. Ils le condamnèrent à errer dans les limbes, à la recherche du repos de l’âme. Puis étreignant leurs lames d’acier, ils affrontèrent l’armée des hommes. Le combat dura de longs mois et les soldats moururent par milliers. Mais l’un après l’autre, les Rançonneurs s’écroulaient.
Grièvement blessé, le dernier d’entre eux enfourcha son coursier et parvint à s’échapper. Il se réfugia dans une cité de basalte d’où il invoqua les démons. Pour le protéger des guerriers, les démons noyèrent la cité. Tel fut le destin des Rançonneurs de Droit Divin. Cependant, écoutez la mise en garde des anciens : Ne peut jamais mourir, celui qui, éternellement, peut gésir. »
Mais la représentation de la légende se termina à peine qu’un incendie éclata sur scène ! Les lampes qui éclairaient la toile basculèrent et répandirent leur huile enflammée sur les rideaux. Des gouttes de flammes ruisselèrent entre les planches de la scène, mettant le feu aux accessoires. Rapidement, la fumée envahit le théâtre tandis que l’ombre des marionnettes de cuir dansait sur les murs.
Déjà les spectateurs des derniers rangs s’étaient précipités vers la sortie, mais la bousculade était telle que les lampions accrochés aux murs furent arrachés et embrasèrent à leur tour des décorations de papier.
Soudain, l’attention des investigateurs fut attirée par le marionnettiste qui tomba de la scène en se tenant la tête. Il se releva péniblement et d’un geste du bras, il montra un passage dérobé situé au fond de la scène.
Voyant qu’ils n’arriveraient pas à sortir par l’entrée du théâtre, Derek, Callum, Earl, Edward et ses femmes décidèrent de suivre le jeune asiatique. Le passage conduisit à un escalier menant dans une ruelle en contrebas. Le petit groupe déboucha alors dans une petite ruelle où planaient déjà des volutes de fumée. Large d’à peine deux mètres, la ruelle était encastrée entre les murs aveugles de vieux bâtiments à deux ou trois étages. Le jeune chinois tenta alors de guider les occidentaux et s’engagea sous un porche puis descendit un nouvel escalier. Dans une ruelle, Gillian trébucha, le feu se propagea dans le bâtiment surplombant la ruelle, et des enseignes se retrouvèrent rongées par le feu, menaçant de tomber sur la jeune femme. Sarah qui se trouvait à côté, se précipita et tira la jeune américaine vers elle, l’empêchant ainsi de justesse de se faire écraser par l’enseigne enflammée.
Après quelques détours, Sarah se rendit compte que le jeune chinois avait perdu son orientation et qu’ils étaient simplement en train de tourner en rond, et maintenant, voilà qu’ils étaient arrivés dans un cul de sac ! Sans plus attendre, elle en informa ses compagnons et elle décida de prendre les choses en mains. Derrière eux l’incendie gagnait le reste du quartier. Ils entrèrent alors dans un bâtiment en espérant pouvoir le traverser et rejoindre ainsi un boulevard.
A l’intérieur du bâtiment, les couloirs étroits formaient quelques coudes et le groupe d’investigateurs se retrouva rapidement quelque part dans les sous-sols du quartier chinois. Après quelques minutes à avancer dans les méandres des sous-sols, ils entendirent des gémissements en provenance d’une pièce sur leur gauche. Sans hésiter, ils décidèrent de prendre la direction des gémissements : s’il y avait des personnes à sauver de l’incendie, il fallait le faire !
Le groupe arriva dans une vaste salle éclairée par de rares traits de lumière venant de failles du plafond. Une très forte humidité imprégnait le sol en terre battue.
L’horreur saisit alors immédiatement les investigateurs lorsqu’ils virent d’où provenaient les gémissements. Il y avait là cinq personnes qui formaient un cercle autour d’une sixième. Chacune des cinq était horriblement entravée et agonisait. Un buisson semblait avoir poussé à l’intérieur et de part et d’autre de la première victime. Elle était figée dans une posture qui épousait les formes des branches et du tronc de l’arbrisseau. On pouvait apercevoir des branches saillir sous la peau et des nœuds déformer douloureusement ses membres. La deuxième victime était suspendue à l’horizontale par des liens de métal tombant du plafond. Elle se balançait à une dizaine de centimètres d’une flamme vive qui brûlait ses chairs à petit feu. La troisième victime était enterrée jusqu’au cou dans un coffre de verre cerclé de fer. Par endroit, on pouvait apercevoir des parties de son corps contre la vitre et une vermine grouillante dans le compost se nourrir de ses membres. La quatrième victime était allongée sur une planche hérissée de pointes et de tranchants de métal. Le poids de son corps la faisait s’effondrer petit à petit le long des lames, au point que nombres d’entres elles s’étaient déjà enfoncées dans les chairs. Enfin, un filet jaunâtre s’écoulait de la bouche de la cinquième victime. On lui avait enfoncé un tuyau dans la gorge relié à une citerne. Son ventre dilaté était parfois secoué de convulsion.
Au cœur de ce sordide spectacle se trouvait prostrée une jeune chinoise. Vêtue d’une tunique blanche, elle avait le visage contre le sol, les genoux repliés sous elle et les bras étendus de chaque côté, la paume des mains vers le haut. Son corps était secoué de sanglots et de plaintes.
Au vu de la scène, Gillian comprit qu’il s’agissait là des cinq éléments chinois. Elle se précipita alors avec Derek vers la jeune asiatique afin de lui porter secours.
De leur côté, Callum et Earl se dirigèrent vers le supplicié le plus proche afin de lui porter secours. Rose quant à elle examina à distance les martyrs l’un après l’autre et prit la parole.
- On ne peut plus rien pour eux, les dégager de ces tortures ne fera que les tuer… Ils sont condamnés.
Elle se rapprocha de Sarah et lui prit la main, la serrant fort. Les deux hommes quant à eux lâchèrent alors l’homme dans le corps duquel un arbrisseau poussait et le regardèrent, dépités de ne rien pouvoir faire. Le malheureux semblait à la limite de la conscience émettant de faibles gémissements d’agonie.
Intrigué par le sol, Edward prit un peu de recul et de la hauteur en grimpant sur des caisses proches : sur le sol, un dessin d’une grande étoile à cinq branches avait été tracé. Chaque supplicié se trouvait placé sur l’une des branches du pentagramme et la jeune chinoise était en son centre.
Gillian et Derek s’agenouillèrent auprès de la jeune femme et la retournèrent, prenant soin de ne pas la brusquer. La jeune chinoise se laissa faire, comme à bout de force ; elle ouvrit les yeux et lâcha dans un souffle :
- Wo de xing ming shi Liu Chen.
Puis elle sombra dans l’inconscience, des larmes ruisselant sur son visage. Derek la prit dans les bras et la porta, se faisant, une des larmes entra en contact avec la peau du vieil homme. Gillian quant a elle, en geste de compassion, sécha les larmes de la jeune femme de sa main droite. C’est alors que les deux aventuriers eurent une étrange vision ; une image inconnue avec l’impression que « cela va arriver ». La vision était celle d’un individu marchant dans la foule, offrant des présents sur un plateau d’osier, le visage caché par une épaisse moustiquaire.
Le feu gagna du terrain et la pièce commença à être à son tour la proie des flammes. Le groupe décida alors de quitter rapidement les lieux, Earl se proposa alors de prendre la jeune femme afin de soulager le vieux juge et ainsi gagner en vitesse de déplacement. Sarah reprit la tête du groupe et réussit au bout de quelques minutes qui parurent interminables à tirer tout le monde d’affaire en arrivant sur un boulevard, permettant ainsi d’échapper à l’incendie qui continuait à ravager une partie de ce quartier de Paris.
Une fois hors de danger, le groupe s’arrêta, pour que chacun reprenne son souffle. Pendant quelques minutes, un silence s’installa ; seules les respirations de chacun se faisaient entendre, personne n’osait prendre la parole, mais Earl était intrigué par quelque chose qu’il avait vu durant ce périple. Il hésita quelques instants puis posa la jeune chinoise aux pieds de Sarah et lui demanda de veiller sur elle, le marionnettiste rejoignit la jeune asiatique et essaya de la réveiller en lui parlant doucement. Pendant ce temps là Earl fit un signe aux autres de venir un peu à l’écart afin de partager avec eux ce qui l’intriguait.
- Pendant que nous tentions de fuir l’incendie, j’ai remarqué quelque chose d’étrange.
L’homme jeta un coup d’œil rapide vers Sarah, puis reprit.
- Les flammes projetaient nos ombres sur les murs… et cette jeune femme, Sarah… Et bien il manque un bout de son ombre ; une partie de la cuisse de son ombre n’existe pas.
Les investigateurs présents se montrèrent étonnés et essayèrent de comprendre comment cela était possible.
- Je sais pourquoi. S’empressa de répondre Rose afin de couper court à la réflexion, comme pour protéger son amie, levant tout soupçon à son égard. Elle m’a tout raconté. Demandez-lui, il lui est arrivé quelque chose d’étrange en Inde.
Sarah se releva, son attention se posant sur le petit groupe qui s’était formé à quelques pas d’elle, son regard interrogateur croisa alors celui de ses compagnons. Rose lui fit signe de venir.
- Sarah, raconte-leur ce qui t’es arrivée en Inde. Dis-leur pour ton ombre.
La jeune femme eut un moment d’hésitation. Tous ces regards posés sur elle la mirent mal à l’aise. Elle regarda alors Rose qui lui fit un signe de tête accompagné d’une expression du visage qui suppliait son amie de tout raconter.
- Je crois qu’il y a pas mal de choses dont nous devrions parler. Ajouta Callum en s’approchant de Sarah et des jeunes chinois. Mais nous ne devons pas rester ici, allons dans un endroit plus adapté.
Il balaya du regard ses compagnons, cherchant une approbation.
Rose reprit la parole.
- Allons chez moi, j’ai un appartement pas très loin.
Puis, se rapprochant de Sarah tout en affichant un large sourire.
- Et je crois que nous avons tous besoin d’un bon remontant.
Le groupe récupéra la jeune asiatique et prit la direction de l’appartement de Rose, prenant congé du marionnettiste qui les remercia de l’avoir aidé à sortir indemne de l’incendie. Mais juste avant qu’il ne parte, Derek lui demanda de bien vouloir traduire ce que la jeune femme leur avait dit en chinois avant de perdre connaissance, lui répétant non sans mal ce qu’il avait entendu avec Gillian. Le chinois fit répéter le juge avant de répondre.
- Ce que vous me dites ressemble à : « Mon nom est Liu Sang ».
A l’aide de taxis, le groupe se rendit à l’appartement de la jeune chirurgienne.
Au deuxième étage d’une résidence cossue du quatrième arrondissement de Paris, l’appartement de Rose s’étendait sur une centaine de mètres carrés. Elégamment décoré, le grand salon permettait d’accueillir sans aucun problème les huit compagnons.
Rose guida Earl jusqu’à la chambre d’amis afin qu’il y dépose la jeune asiatique sur le lit ; cette dernière n’avait toujours pas repris connaissance. Ils sortirent alors tous deux de la chambre en prenant soin de refermer doucement la porte derrière eux.
Pendant ce temps, Sarah invita le reste du groupe à s’asseoir et sortit des verres.
Une fois que du cognac fut servi dans chacun des verres, Sarah commença son histoire.
- Je sais que vous allez avoir du mal à me croire.
La jeune femme voulut regarder l’auditoire mais ne put affronter le regard des autres, elle fixa alors l’alcool qui se balançait dans le verre qu’elle tenait fermement des deux mains et auquel elle appliquait un mouvement lent et circulaire.
- Cela s’est passé il y a quelques semaines, alors que je me trouvais en Inde. Alors que j’explorais les sous-sols d’un ancien temple dans une région reculée de l’Inde, j’avançais prudemment dans ce qui ressemblait à des catacombes, ma seule source de lumière étant une petite lampe. Le faisceau de ma lampe balayait les murs sombres et peinait à percer les ténèbres lorsque tout à coup j’ai trébuché, glissant au bord d’un trou. J’ai alors laissé tomber la lampe au fond du trou, afin de pouvoir m’agripper au rebord. Cette dernière disparut et se fracassa après une vingtaine de secondes de chute.
La jeune femme marqua une pause. Personne ne prit la parole, ne voulant pas l’interrompre.
- Le noir absolu envahi alors les parages. Reprit Sarah, sa voix commençait à vaciller et ses yeux commencèrent à se remplir de larmes. J’ai fouillé dans mon sac en aveugle pour retrouver les chandelles et les allumettes que j’avais prudemment emportées. Tout à coup, je perçus le bruit d’un frottement dans le trou. D’abord imperceptible, le frottement se fit de plus en plus insistant : quelque chose remontait le long de la paroi…
Elle porta le verre à ses lèvres et avala une gorgée de cognac.
- Précipitamment, j’ai réussi à craquer une allumette. Dès que la flamme jaillit, un cri retentit dans les catacombes tout proches. La seconde suivante, une ombre s’approcha et éteignit l’allumette, comme si elle craignait la lumière. Avec frénésie, j’ai craqué une autre allumette, elle se cassa sans s’allumer, puis une autre, et encore une autre ! Une larme perla sur sa joue gauche. Cette dernière s’alluma un court instant, juste le temps pour la clarté de projeter mon ombre sur le mur. Une ombre en profita pour y planter ses crocs et arracher un morceau de la mienne. C’est alors que j’ai enfin réussi à allumer une chandelle, ce qui provoqua le repli de l’ombre dans un coin ténébreux. J’ai ensuite décidé de rejoindre la sortie au plus vite.
Sarah leva les yeux et regarda son auditoire en essuyant sa joue. Rose se rapprocha d’elle et lui posa la main sur l’épaule.
- Je savais que j’étais suivie par quelque chose qui se tenait à l’écart de la lueur de ma flamme. Une fois à la surface plus rien ne me suivait. J’avais mal à la cuisse et en regardant j’avais vu les traces d’une morsure alors que rien ne m’avait mordue directement. Mais c’est le soir venu, dans ma chambre d’hôtel qu’une vision me terrifia : L’ombre de ma cuisse était déchirée, comme s’il en manquait un morceau grand comme le poing.
Elle posa sa main sur celle de son amie.
- C’est alors que j’ai décidé d’écourter mon voyage et que je suis rentrée en France.
Le groupe passa ensuite un peu plus de deux heures à parler de ce qui s’était passé au Théâtre des Ombres. Puis ils décidèrent de rentrer chacun chez soit afin de se reposer. Ils continueraient les investigations le demain, après s’être rendus à l’inauguration de l’agrandissement de la Gare de l’Est, chacun étant en possession d’une invitation. La jeune chinoise dormirait cette nuit chez Rose, Sarah lui laissant son lit. Les deux amies dormiraient ensemble cette nuit, ne se voyant pas être seule dans une pièce après ce qu’elles avaient vécu.
Dimanche 30 Août 1931
Rose fut réveillée en sursaut par un gémissement. Elle se retourna dans le lit afin de regarder en direction du bruit ; c’était Sarah qui était une nouvelle fois en train de lutter contre ses cauchemars. Depuis son retour, la plupart de ses nuits étaient agitées, et ce qu’elles avaient vécu hier avait dû accentuer la chose. Elle se rapprocha de sa cousine ; cette dernière était toujours endormie et son corps était secoué de petits spasmes qui indiquaient qu’elle était toujours aux prises avec ses démons. Rose la serra dans les bras, cette dernière se blottit instinctivement contre elle, posant la tête dans le creux de son cou. Rose lui apposa un baiser sur le haut du front.
- Tout va bien. Murmura-t-elle.
Sarah dormait toujours et elle commençait à se calmer, sa respiration reprenant petit à petit un rythme normal. Rose commença alors à lui caresser doucement ses longs cheveux noirs, les faisant glisser entre les doigts. C’est comme ça que Sarah s’y prenait lorsque, petites, Rose était terrifiée. Durant des années, Rose venait la nuit se réfugier dans le lit de sa cousine lorsque de mauvais rêves l’avaient sortie de son sommeil. Aujourd’hui, les rôles étaient inversés et ceci fit apparaître un timide sourire sur ses lèvres.
- Je serai toujours là pour toi. Elle l’embrassa longuement sur le front. Comme tu l’as toujours été pour moi.
Derek Hartman fut le premier arrivé devant la gare, mais il ne patienta pas longtemps avant d’être rejoint par Callum et Earl qui arrivèrent par le métro. Les hommes se saluèrent et échangèrent quelques banalités notamment au sujet de l’inauguration de l’extension de la gare de l’Est avant de chercher à faire plus ample connaissance.
- Et vous Earl, questionna Derek, pourquoi êtes-vous ici mon ami ?
- Je dois rencontrer quelqu’un, un collectionneur, et vous ?
- Moi ? Derek prit une pause afin de tirer longuement sur sa pipe. Disons que je suis plus là aujourd’hui pour la visite du Pavillon Chinois que pour l’inauguration de la gare. Je suis un grand passionné d’art et l’art asiatique m’intéresse tout particulièrement depuis quelques années. Et vous Callum, pourquoi avoir quitté votre bonne vieille écosse ?
Le juge tira à nouveau sur sa pipe.
- Oh moi, répondit Callum, je viens chercher des réponses… Il prit un air songeur et regarda sa montre à gousset, reprenant machinalement. Des réponses…
Leur attention fut alors attirée par des bruits de portières de voiture se fermant, ils regardèrent alors dans cette direction et virent Edward et les trois femmes descendre d’un taxi. En effet, en bon gentleman, l’anglais était passé prendre Gillian puis les deux cousines, Rose et Sarah. Les salutations d’usage eurent lieu, mais Sarah n’osa pas tenir les regards des trois hommes, encore mal à l’aise de ce qu’ils avaient découvert sur elle. Rose le remarqua et la saisie par le bras, ainsi que Gillian.
- Allez, on va continuer notre semaine de visites par cette superbe gare !
Elle eut un large sourire qui se répercuta sur le visage des deux jeunes femmes ainsi que celui d’Edward.
Le petit groupe se dirigea vers l’entrée de la gare et Sarah en profita pour glisser un mot à l’oreille de son amie.
- Il ne te reste plus qu’aujourd’hui pour conclure avec Edward.
Elle échangea un regard espiègle avec Rose.
- Pff, n’importe quoi. Répondit-elle en haussant les épaules.
- Qu’avez-vous fait de la jeune chinoise, mesdames ? Questionna Derek.
- Nous l’avons laissée à l’appartement. Répondit Rose. Elle était très fatiguée mais semblait en bonne santé. Nous lui avons demandé de rester chez moi, lui indiquant que nous reviendrions la voir dans l’après-midi.
- Vous parlez chinois maintenant ? Rétorqua Edward avec un large sourire.
- Non, mais nous avons su nous comprendre. Répondit Sarah en lui renvoyant son sourire. Un truc de femmes.
Sarah regarda alors Gillian.
- Elle nous a répété la même chose qu’à vous, puis elle a acquiescé lorsque nous lui avons demandé de rester se reposer et de nous attendre.
- De toutes façons. Reprit Rose. J’ai demandé à Georges, le gardien de la résidence, de bien surveiller qu’elle ne quitte pas l’appartement.
L’accès de l’exposition se fit par l’entrée de la gare. Les membres du groupe présentèrent chacun leur invitation à l’un des kiosques de l’entrée avant de passer devant les agents de sécurité qui demandèrent à ceux qui étaient venus armés de bien vouloir laisser leur pistolet à l’office prévu à cet effet, ils le récupéreraient en repartant de la gare.
A l’intérieur de l’exposition, deux à trois cents personnes allaient et venaient, formant de petits groupes et échangeant avec les officiels présents.
Les sept comparses se dirigèrent vers le Pavillon Chinois, décidés à commencer la visite par cet endroit. En attendant l’ouverture des portes, ils jetèrent un œil autour d’eux et c’est alors que le juge aperçut un visage familier.
Un vieil anglais chauve se trouvait à quelques mètres sur sa droite. Seul, il semblait lui aussi attendre avec impatience l’ouverture du pavillon. Le sang de Derek bouillonna dans ses veines et il ne put défaire son regard du vieil homme ; Callum le remarqua.
- Quelque chose ne va pas ? Lui demanda-t-il
Derek regarda brièvement son interlocuteur et tenta de se calmer.
- Oh, rien. Cet homme là, je le connais… et notre dernière rencontre n’a pas été des plus agréable dirons-nous.
Le juge tira sur son gilet, comme pour faire meilleure impression.
- Je vais aller lui toucher quelques mots.
Callum emboita le pas de Derek et tous deux furent rapidement face au vieil anglais.
- Bonjour monsieur. Derek se tint face à son interlocuteur et le salua d’un hochement de tête.
La surprise se lut alors sur le visage du vieil homme.
- Vous vous souvenez de moi ? Reprit le juge. Derek Hartman.
- William Willburn, je suis le représentant du gouvernement britannique… On se connaît ? Questionna alors l’homme sans trop de conviction dans la voix.
- La vente aux enchères, ici, à Paris, il y a quelques semaines… Derek s’adressa alors à Callum avec un sourire. Cet homme m’a dérobé un objet que j’avais acquis de manière tout à fait convenable.
L’homme ne sut quoi répondre ; le juge reprit.
- Un trépied en bronze… cela ne vous revient pas ?
William eut un temps de réflexion avant de répondre.
- Oui… bon… j’en suis désolé. L’homme se tritura l’oreille gauche. En même temps, je vous l’ai racheté… et bien plus que le prix auquel vous l’aviez eu.
Derek ne put s’empêcher de lancer un rire nerveux.
- Enfin, me faire passer à tabac par deux colosses, je n’appelle pas ça une transaction des plus correctes.
La conversation fut alors interrompue par des cris d’émerveillement provenant d’une foule amassée près des vitres donnant vers l’extérieur de la gare.
Les acclamations et les applaudissements du public saluaient la montée d’un cerf-volant deux cents mètres au-dessus de la gare de l’Est. Afin de prévenir toute absence de vent, le cerf-volant avait été accroché à un ballon captif, stationnant deux cents mètres au-dessus du cerf-volant, soit à quatre cent mètres des toits.
En questionnant les personnes autour de lui, Earl apprit qu’il s’agissait d’un cadeau fait par la délégation mandchoue.
Pendant ce temps là, Gillian avait fait connaissance avec trois hommes qui semblaient observer la foule. Il s’agissait de Georges Guédon, agent du ministère des affaires étrangères et de deux agents des renseignements français, Benoit Pechard et Bertrand Charier. Seul Georges Guédon prit la parole et lui expliqua qu’il était là notamment pour s’assurer que tout se passe bien lors de cette inauguration. La délégation mandchoue était arrivée le matin même et il fallait que tout se déroule à merveille ; en effet de nombreux intérêts étaient en jeu et la France pouvait avoir son rôle à jouer dans ce qui se passait en Mandchourie. Il mentionna aussi à la jeune femme que les officiels de l’exposition ferroviaire étaient Albert Breton, pour le compte des compagnies de chemins de fer français et Meï Fang, hôtesse du pavillon chinois.
Les portes du pavillon chinois s’ouvrirent et la foule qui s’était amassée devant le bâtiment se dirigea dans sa direction, sortant les invitations de leur poche. Chacune des conversations s’arrêta alors.
Le pavillon chinois avait été aménagé en l’honneur de la délégation extrême-orientale et son nom se voulait simplement attractif pour les visiteurs profanes. Bien que temporaire, ce bâtiment avait été construit en dur à l’intérieur même de la gare. Il était situé le long des quais et comportait un seul étage. Son architecture était inspirée des temples traditionnels chinois : voûte en bois, pignons sculptés d’oiseaux stylisés ou de têtes de dragons, lampions rouges tracés de caractères chinois sans aucune signification. A l’entrée, deux vigiles de type asiatique vêtus à la mode chinoise accueillaient les visiteurs et s’assuraient que le pavillon ne contienne pas plus d’une centaine de visiteurs à la fois.
A leur entrée dans le pavillon, le groupe d’amis fut accueilli par une jeune chinoise appelée Meï Fang. Cette dernière leur souhaita la bienvenue, se présenta brièvement et entama la visite de l’exposition en les invitant à pénétrer dans une pièce située sur leur gauche.
- Tous les objets qui vous sont présentés ici font parti de la collection de Mr Louis Lonsdale.
Le groupe se trouvait dans la salle des bronzes. Tous les objets étaient placés dans des vitrines.
- Louis Lonsdale a fait fortune dans les chemins de fer d’Asie. Puis elle commença à décrire les objets se trouvant dans les vitrines.
- Et Mr Lonsdale n’est pas là ? Questionna Earl.
- Monsieur Lonsdale a contracté de nombreuses fièvres en Extrême-Orient et ne peut donc pas assister à l’exposition. Répondit Meï entre deux descriptions d’œuvre d’art.
La visite se poursuivi par la salle des ivoires et des porcelaines et continua dans la salle des bois laqués ; là les meubles précieux étaient séparés du public par de petites cordelettes tressées. La jeune femme décrivait et commentait les objets et leur histoire avec une grande passion.
La visite se termina en passant par une petite pièce où un livre d’or était réservé aux invités prestigieux. Sur un trépied, un grand carton blanc portait l’inscription : « Avec nos plus vifs remerciements à monsieur Louis Lonsdale pour le prêt des plus belles pièces de sa collection. »
Lorsque le groupe se retrouva à nouveau dans le hall d’accueil, leur attention se porta vers une petite porte formant l’un des angles de la pièce ; il devait certainement s’agir de l’entrée qu’utilisaient les officiels et organisateurs. Empruntant des escaliers venant du bas, la délégation mandchoue arriva. Quatre asiatiques ouvraient la marche. Vêtus de pantalons de toile noire enfilés dans des bottes souples, ils arboraient des tuniques de cuir serrées à la taille par une ceinture de cuir d’où pendaient d’étranges lacets tressés. Tous portaient au côté un sabre d’acier courbe, une lame traditionnelle mandchoue. Leur allure imposante fit s’écarter les visiteurs devant le passage de la délégation mandchoue. Derrière eux, un homme élégant et au charisme imposant marchait d’un pas déterminé. Il arborait un long manteau de peaux sur une épaisse tunique de laine ocre. Il chaussait des bottes de cuir et portait au côté un sabre d’acier pendu à une ceinture de cuir finement ouvragée. A sa droite, ce qui devait être son lieutenant, toisa du regard les visiteurs du pavillon ; vêtu d’un épais manteau de cuir rehaussé de fourrures, il portait des bottes de peau d’où dépassait une dague de l’armée régulière mandchoue.
Callum ne put défaire son regard de cet homme ; les traits de ce dernier… était-ce possible qu’il s’agisse du même homme ?
Deux autres asiatiques, identiques aux quatre premiers, emboitaient le pas du leader de la délégation et de son lieutenant. Quelques mètres derrière, un homme imposant, russe celui-là, refermait la marche. Bien qu’à une certaine distance de la délégation, il restait attentif, tel un ange gardien.
A l’apparition du chef de la délégation mandchoue, la jeune Meï se pressa vers lui dans une posture apeurée afin de lui faire visiter l’exposition. La délégation mandchoue emprunta alors le même itinéraire que les visiteurs, s’arrêtant parfois quelques instants devant certaines antiquités. Vers la fin de la visite, un voile sombre passa devant les yeux du mandchou ; il était silencieusement furieux.
D’un large mouvement d’étoffe, il disparut par une porte, manquant de renverser quelques porcelaines. Ses gardes du corps s’y engouffrèrent après lui.
Meï Fang resta seule, terrorisée.
Pendant quelques secondes, le temps sembla comme suspendu. Puis l’animation reprit et les visiteurs furent pris en charge par des hôtesses afin de visiter à leur tour l’exposition. Meï resta encore quelques instants sans bouger, le regard fixe, comme perdue dans ses pensées, puis se ressaisit.
Intrigué, le groupe d’amis s’approcha d’elle.
- Tout va bien mademoiselle ? Questionna Gillian.
- Qui était cet homme ? Enchaina Derek.
La jeune asiatique prit une grande inspiration.
- Il s’agit de Sayk Fong Lee. Elle arbora à nouveau un joli sourire. Il est le conseiller du seigneur de guerre mandchou, le jeune maréchal Zhang Xueliang. C’est lui qui conduit la délégation mandchoue en visite ici à Paris.
- Il avait l’air contrarié. Reprit Gillian.
- En effet. Meï regarda le sol avec un regard songeur. Il est venu visiter cette exposition en espérant se procurer des œuvres de la collection de Louis Lonsdale ; malheureusement Mr Lonsdale n’est pas là… et il n’a pas l’air d’avoir trouvé ce qu’il cherchait.
Une fois sorti du Pavillon Chinois, le petit groupe resta quelques minutes silencieux, regardant les gens autour d’eux en inspectant leurs faits et gestes. Il était temps de commencer les investigations ; peut-être certaines personnes présentent pouvaient les renseigner sur l’incendie d’hier soir ou sur des événements marquant s’étant produits ces derniers temps dans la communauté chinoise parisienne.
Le train de la délégation mandchoue se trouvait le long d’un quai un peu à l’écart de la zone réservée à l’exposition. Il était rangé dans le sens du départ, prêt à repartir à tout moment. D’ailleurs, la chaudière de sa locomotive restait approvisionnée en eau et charbon sans discontinuer par les mécaniciens. De fait, il flottait autour du train des volutes de vapeur qui le dissimulait en partie. L’accès au train était gardé, à la fois par des policiers détachés pour l’événement mais aussi par des gardes de la délégation manchoue.
Le garde du corps russe fit alors son apparition, commençant à échanger avec des policiers français.
Après une courte concertation, les sept occidentaux décidèrent de se séparer afin d’aller chacun questionner différents personnes.
Derek et Callum choisirent de retourner voir Willburn afin de continuer leur conversation qui avait été interrompue, Earl et Gillian eux se dirigèrent vers le garde du corps russe et après cet entretien, ils rencontrèrent Albert Breton, secrétaire général des compagnies de chemin de fer françaises. Sarah quant à elle décida d’avoir à son tour une discussion avec Georges Guédon mais elle s’arrêta d’abord discuter avec un vieil homme qui semblait s’intéresser ou tout du moins être intrigué par le train de la délégation mandchoue. Il s’agissait de Stuart Tanner, diplomate américain. Rose décida de suivre Edward et de retourner voir la conservatrice du pavillon chinois Meï Fang.
Après avoir chacun fait les présentations et au bout de quelques dizaines de minutes, voilà ce qu’ils apprirent de chacune des rencontres :
N Rencontre avec Dimitri Dononiev – Garde du corps Russe :
« - Je suis en garnison à la frontière de la Russie et de la Mandchourie. Je traque les trafiquants d’armes et les intrusions jusqu’en Mongolie.
- J’ai la mission d’escorter la délégation mandchoue durant le voyage transsibérien. Il faut environ une douzaine de jours pour aller de Paris à Harbin, où se trouve le palais du seigneur de guerre mandchou.
- Harbin est située au cœur de la Mandchourie. Elle est actuellement gouvernée par les chinois, mais économiquement, la ville dépend des intérêts japonais. On l’appelle la « Moscou de l’Est » et elle doit son rayonnement à la mère Russie qui a su en faire une grande cité bien avant les japonais.
- Les japonais contrôlent la compagnie du chemin de fer sud-mandchourien. Son président est le baron Ushida. Cette mainmise est une menace pour la paix, car il lui est aisé de déplacer des troupes n’importe où sur le territoire.
- Harbin est un refuge pour les russes blancs ayant quitté la Russie pour fuir le régime soviétique. La grande Russie a besoin d’eux pour développer le pays. Sayk Fong Lee lui-même parvient à en convaincre quelques-uns de revenir au pays. »
NRencontre avec Albert Breton – Secrétaire général des compagnies ferroviaires françaises :
- L’homme se vante d’être directement en contact avec le baron Ushida, un Japonais qui préside la compagnie du chemin de fer submandchourien.
- Il leur apprend que les japonais contrôlent le chemin de fer de Mandchourie et en assurent la gestion.
- Il leur indique que Louis Lonsdale, le collectionneur qui expose au pavillon chinois, est lui-même un actionnaire de la compagnie du chemin de fer submanchourien et qu’il s’est rendu plusieurs fois en Chine et en Mandchourie.
NRencontre avec Stuart Tanner – Diplomate américain :
- L’homme n’apprend rien d’intéressant, si ce n’est que les Etats-Unis ne sont pas là pour faire concurrence aux puissances européennes, en effet l’état économique actuel du pays ne le permet pas. Toutefois, l’homme semble à la fois terrifié et impatient de pouvoir s’entretenir avec le représentant de la délégation mandchoue.
NRencontre avec Georges Guédon – Agent du Ministère des Affaires Etrangères :
« - La présence de la délégation mandchoue a provoqué une vive réaction au sein de la communauté chinoise de Paris.
- Le gouvernement croit savoir que Sayk Fong Lee n’est pas venu en Europe seulement pour l’exposition ferroviaire, il s’intéresserait à la collection de Louis Lonsdale. Mais il ne parvient pas à connaître ses vraies motivations. »
NRencontre avec William Willburn – Représentant du gouvernement britannique :
« - Sayk Fong Lee s’intéresse aux antiquités chinoises. Si vous avez ce genre d’objets, sachez que je peux obtenir aisément une audience auprès de lui. Vous pouvez me les confier afin que je les lui propose.
- La Mandchourie est au cœur de transactions diplomatiques. Mon gouvernement œuvre pour la paix dans cette zone, tandis que d’autres ont intérêt à conserver l’instabilité. J’écoute tout ce qui pourrait aider à la stabilité. »
NRencontre avec Meï Fang – Conservatrice de la collection de Mr Louis Lonsdale :
« - Louis Lonsdale est un collectionneur d’antiquités asiatiques, dont une partie de la collection est exposée au pavillon chinois.
- Il a fait fortune dans les chemins de fer d’Asie.
- Je suis entrée à son service lors de son séjour à Shangaï, où il a une villa.
- Il a contracté de nombreuses fièvres en Extrême-Orient et ne peut pas assister à l’exposition.
- Sayk Fong Lee est venu en France pour rechercher une jeune chinoise captive d’une société secrète.
- Sayk Fong Lee est venu en France pour dérober des antiquités appartenant à Louis Lonsdale. Il m’a fait menacer par ses hommes si je ne l’aidais pas.
- Sayk Fong Lee recherche encore un dernier objet, mais j’ignore lequel.
- Je sais que Sayk Fong Lee attend l’arrivée d’un avion en provenance de Mandchourie
- J’ignore s’il repart par le train ou l’avion. »
Vers 15h00 tout le monde se retrouva sur les quais, entre les trains en exposition et celui de la délégation mandchoue afin de faire un point sur ce qu’ils avaient appris. Rose et Edward furent les derniers à rejoindre le groupe, accompagnés de Meï qui avança vers les occidentaux, la tête baissée, comme intimidée ou gênée.
Callum interrompit alors les quelques secondes de silence qui s’étaient installées en saluant la jeune asiatique tout en portant la main à son chapeau.
- Mademoiselle Fang…
Meï releva alors le menton, regardant son interlocuteur tout en lui répondant avec un timide hochement de tête, elle regarda alors l’ensemble des amis en esquissant un timide sourire.
- Mademoiselle Fang souhaite nous aider dans l’élucidation de ce mystère. Informa alors Edward.
L’étonnement se lut alors sur le visage de ses compagnons.
- Nous l’avons mise au courant des événements d’hier soir. Poursuivi Edward. Et Gillian avait raison, il s’agit bien des cinq éléments de la culture chinoise.
- Pouvez-vous nous en apprendre plus sur Sayk Fong Lee ? Questionna alors Earl.
Le groupe échangea alors les différentes informations qu’ils avaient réussi à glaner auprès de leurs interlocuteurs.
Au bout d’une quinzaine de minutes, une sensation étrange les envahit. Ils dirigèrent instinctivement leur regard vers la locomotive la plus proche. Une volute de fumée se répandait dans leur direction ; pourtant la locomotive ne semblait pas fonctionner, aucun son de machine ne venait d’elle, au lieu de cela, une petite musique, à peine perceptible semblait accompagner la fumée. Les vapeurs continuèrent à se rapprocher d’eux et une silhouette se distingua.
Gillian et Derek eurent une impression de déjà-vu.
La silhouette se transforma peu à peu en une personne réelle. Gillian et Derek marquèrent l’étonnement : il s’agissait de l’homme de la vision qu’ils avaient eut en secourant la jeune asiatique hier soir.
Il s’agissait d’un homme, certainement un vieillard, au visage masqué par une moustiquaire, revêtant une tenue traditionnelle chinoise et portant sur ses épaules un long bâton de bambou aux extrémités duquel des paniers d’osier remplis de pâtisseries étaient suspendus par des cordes.
Le marchand ambulant se dirigea vers le groupe d’investigateurs puis, sans dire un mot, il leur donna à chacun une pâtisserie chinoise. Il poursuivit alors son chemin et disparut dans des volutes de fumées.
Personne ne dit un mot. Tous restèrent quelques secondes à regarder la pâtisserie que l’homme leur avait donné, puis à regarder vers la direction dans laquelle il avait disparu.
- Ce sont des Fortune Cookies. Informa Meï. Ils doivent certainement contenir des messages.
Tous s’empressèrent alors de casser leur pâtisserie qui contenait effectivement un message.
« Celui qui cherche le Dernier Sacrilège trouve un bras allié »
« L’arcane brisé ne dissimule plus la captive »
« Iä ! Iä ! Cthulhu fhtagn ! »
« Guang Ying mourant rejoindra les ombres »
« Dans le cimetière l’aveugle garde sa propre tombe »
« Le prisonnier entravé et tourmenté a faim mais ne peut jamais se rassasier »
« Ses yeux scrutent les eaux et effraient les démons »
« Les villages brûlent, femmes et enfants pleurent, le Dragon Noir domine »
Tous lurent alors le message qu’ils avaient reçu, tout en mangeant leur pâtisserie. Sarah fut alors surprise.
- Vous mangez ces gâteaux ? La jeune femme le sentit. Vous êtes sûrs qu’il n’y a pas de danger ?
Chacun échangea des regards intrigués… L’hypothèse de gâteaux empoisonnés ne les avait même pas effleurés.
- Earl.
Gillian venait d’apercevoir un visage familier non loin d’eux.
- C’est pas le chinois d’hier soir ? Continua Gillian. Tu sais, celui du théâtre.
- Tu as raison, mais qu’est-ce qu’il fait là ?
Earl eut à peine le temps de finir sa phrase que le jeune chinois aperçut le groupe d’occidentaux. Il se dirigea alors vers eux, il était visiblement à leur recherche.
Après les salutations d’usage, le jeune marionnettiste leur expliqua qu’il y avait des personnes qui souhaitaient s’entretenir avec eux. C’était très important et en rapport avec ce qui s’était passé hier soir. Mais la rencontre ne pouvait pas se faire ici, il fallait un endroit à l’abri des regards et des oreilles.
Le jeune chinois conduisit alors le petit groupe un peu à l’écart de l’exposition. Ils empruntèrent un escalier dérobé et se retrouvèrent dans les sous-sols de la gare avant d’atteindre la chaufferie. Dans la pénombre, cinq chinois qu’aucun d’eux n’avaient déjà vu les attendaient. Ils étaient vêtus de costumes occidentaux et ne semblaient pas agressifs.
- Excusez-nous pour le dérangement. Les cinq chinois venaient de saluer le groupe et l’un d’eux avait rompu le silence. Mais il faut absolument que nous nous entretenions avec vous.
Bien que l’homme qui avait prit la parole était celui du milieu, il ne semblait pas être le chef, ni aucun des autres chinois présents d’ailleurs.
- Qui êtes vous ? Questionna Edward.
- Notre nom importe peu. Il est préférable que vous continuiez à l’ignorer. L’homme retira son chapeau et passa la main sur le haut du crâne. Sachez seulement que nous sommes parmi les derniers membres d’une société secrète chinoise et que nous avons besoin de votre aide. Hier soir, un théâtre d’ombres a été détruit dans un incendie. Non loin de là, vous avez découvert un rituel et porté secours à une jeune fille. En faisant cela, vous l’avez mise en grand danger !
Personne n’osa dire un mot, chacun était comme suspendu aux lèvres de l’homme.
- Cette jeune chinoise est la petite-fille d’un maître tatoueur mandchou qui refuse d’aider Sayk Fong Lee. Le sorcier utilise sa magie pour la retrouver et l’enlever, afin de soumettre son grand-père à un chantage. Liu Chen avait donc accepté d’être placée dans l’Arcane des Cinq Supplices, afin qu’il ne puisse jamais la localiser. En brisant le rituel, vous avez permis que Sayk Fong Lee retrouve sa trace.
Le chinois croisa le regard de chacun de ses interlocuteurs.
- Il faut rétablir l’Arcane afin que Liu Chen y soit à nouveau en sécurité. Pour cela, il faut que des hommes soient prêts à subir les Cinq Supplices. Il jeta alors un œil vers ses camarades. Nous sommes volontaires.
L’horreur se lu sur le visage de Rose.
- Liu Chen a été recueillie chez vous madame. L’homme regarda Rose, ce qui provoqua l’étonnement général.
Earl voulut prendre la parole mais il fut stoppé par l’homme qui poursuivit.
- Mais Sayk Fong Lee ne tardera pas à la trouver. Le seul homme capable de lancer le rituel de l’Arcane se nomme Guang Ying. Le théâtre lui appartenait et Riu Ru est son disciple. De plus, il est possible qu’il ignore encore la gravité des faits. Nous ne souhaitons pas nous rendre directement chez lui pour le cas où nous serions suivis. Mais Riu Ru vous conduira. Informez-le des événements actuels et il saura agir en conséquence. Il saura où nous trouver.
Il regarda Meï qui était restée, tête baissée, comme gênée depuis le début de l’entretien.
- Mlle Fang, vous êtes à présent en danger également.
La priorité était maintenant de récupérer Liu Chen. Les investigateurs décidèrent de se rendre tous chez Rose ; ensuite ils feraient deux groupes, l’un ira voir Guang Ying pendant que l’autre ira rendre visite à Mr Lonsdale.
Malheureusement, ce qu’ils craignaient s’était produit, Sayk Fong Lee les avait devancés et l’appartement de Rose avait été retourné, la jeune chinoise avait été emmenée. Le gardien de la résidence avait tenté de s’interposé, mais en vain, et la description qu’il leur fit des kidnappeurs ne laissait aucun doute : il s’agissait bien des hommes de mains du dirigeant de la délégation mandchoue.
Les groupes se formèrent alors. Callum, Edward, Rose et Sarah prirent l’adresse du vieux chinois, ne souhaitant pas que le jeune Riu Ru ne les accompagne. Earl, Gillian et Derek furent conduits par Meï chez Louis Lonsdale.
Le Taxi déposa la jeune conservatrice et ses compagnons devant la maison de Mr Louis Lonsdale. Mais quelque chose attira tout de suite leur attention : la porte d’entrée était entre-ouverte. Derek demanda à Meï s’il y avait un autre moyen d’entrer dans la maison, cette dernière l’informa que sur la façade ouest, il y avait une porte qui donnait sur la cuisine. Le juge décida alors de contourner discrètement la maison. Earl et les deux jeunes femmes s’avancèrent prudemment de la porte d’entrée.
Earl sortit son arme et poussa la porte de sa main gauche afin de l’ouvrir entièrement. Ils tendirent l’oreille : pas un bruit. Sans un mot, chacun se dirigea vers une pièce différente. Meï gravit les escaliers pour aller voir à l’étage, Gillian se dirigea sur la droite, vers la bibliothèque et Earl avança tout droit vers la salle à manger.
Tel un félin, la jeune chinoise atteignit le palier sans un bruit. Elle commença alors à se diriger vers sa chambre et tomba nez à nez avec un homme. Au vu de sa tenue, il s’agissait d’un des hommes de Sayk Fong Lee. Le sbire la regarda, tout d’abord surpris, puis il la reconnut et la salua, avant de passer à côté d’elle. La jeune conservatrice le regarda descendre les escaliers, immobile, comme tétanisée.
Au rez-de-chaussée, Gillian s’approcha de l’entrée de ce qui semblait être une bibliothèque lorsqu’elle entendit un bruit. Elle s’arrêta et tendit l’oreille… rien. Après quelques secondes, elle reprit son avancée, mais à peine eut-elle franchi le seuil de la porte qu’elle sursauta. Elle se trouva face à Sayk Fong Lee. A quelques mètres de lui, son lieutenant porta la main à son épée. Le sorcier mandchou leva la main en sa direction, lui faisant signe de ne pas intervenir.
- Que faites-vous ici mademoiselle ? Demanda-t-il dans ton sec.
Gillian fit deux pas en arrière et ne put répondre. Les yeux noirs du mandchou la terrifiaient.
L’injection de l’homme attira l’attention d’Earl qui rejoignit rapidement son amie.
- Ceci n’est pas utile. Dit alors Sayk Fong Lee en regardant l’arme que pointait Earl dans sa direction. Parlons, voulez-vous.
Il fit un geste de main invitant ses interlocuteurs à se diriger vers le salon.
Earl rengaina son arme. Sayk Fong Lee passa devant les escaliers desquels Meï commençait à descendre.
- Joignez-vous à nous Mlle Fang. Poursuivit-il sans prendre la peine de la regarder.
Dans le salon, le sorcier les invita à s’asseoir. C’est alors que Derek apparut. Le vieil homme était en mauvaise posture et il rejoignit ses amis sous la menace du sabre d’un des gardes mandchous.
- Rangez votre arme ! Ordonna t-il alors à son homme. Puis il esquissa un sourire. Ces gens sont mes invités, il me tarde de faire connaissance.
Sayk Fong Lee prit place en bout de table, son lieutenant lui, resta debout, se positionnant à sa droite. Derek prit place à son tour, tirant sur son gilet avant de s’assoir. Il était quelque peu agacé d’avoir été pris de la sorte.
Un garde du manchou se positionna derrière chacun des investigateurs, ce qui ne manqua pas de les mettre mal à l’aise.
- Alors, pourquoi êtes-vous ici ?
- Et vous ? Rétorqua Derek. Pourquoi êtes-vous chez Mr Lonsdale ?
Le sorcier mandchou se leva et plaça ses mains dans le dos.
- Cela ne vous regarde pas.
- Et d’ailleurs, où est Mr Lonsdale ? poursuivit le juge.
Le Mandchou marqua une pause.
- Il souhaite nous accompagner. Il dirigea son regard vers une fenêtre donnant sur la rue. Nous avons une affaire à conclure.
Par la fenêtre, ils aperçurent un vieil homme affaibli, montant dans une voiture en compagnie d’hommes de main du mandchou. Meï reconnut tout de suite Mr Lonsdale.
- Quel genre d’affaire souhaitez-vous conclure au juste avec Mr Lonsdale ? Poursuivit le juge.
Le Sorcier marqua un temps d’arrêt, fusillant du regard le vieil homme, puis commença à se déplacer vers Mlle Fang.
- Je vous trouve bien curieux… Mais au fait, à qui ai-je l’honneur ?
Sayk fong Lee regarda l’un après l’autre Derek, Earl puis Gillian.
- Je connais Mlle Fang. Il effleura d’une main l’épaule de la jeune conservatrice. Mais vous, qui êtes vous et que faites vous dans la vie ?
Un silence l’installa. Ce n’est qu’au moment où le sorcier passa derrière Gillian que cette dernière prit la parole.
- Gillian Gogarty, je suis une organisatrice d’événements. Elle n’osa pas croiser le regard de son interlocuteur et tenta comme elle pouvait de montrer un peu d’assurance.
Earl quant à lui répondit posément, en regardant le Mandchou.
- Earl Johnson-Paje, enquêteur.
Sayk Fong Lee passa derrière l’ex-militaire et arriva à hauteur de Derek. Ce dernier prit la parole, d’un ton sûr de lui, à la limite de l’arrogance.
- Je suis Derek Hartman, Haut-Juge à la cour de Londres.
Le sorcier s’arrêta. Pendant quelques secondes, qui parurent des minutes, seul le bruit du vent dans les arbres bordant la maison se fit entendre.
- Je vous ai déjà vu. Reprit Sayk Fong Lee. C’était au pavillon chinois, et vous étiez avec d’autres personnes. Il replaça ses mains dans le dos. Il serait préférable pour vous d’arrêter de mettre votre nez dans des affaires qui ne vous concernent pas.
Le juge voulut répondre mais fut bloqué sur sa chaise par le garde mandchou se trouvant derrière lui. Earl tenta d’intervenir, mais c’est alors qu’une lame se plaça sous sa gorge. Le mandchou derrière Gillian fit la même chose à la jeune femme. Seul le garde derrière Meï se dirigea vers le juge afin d’aider son compagnon à le maintenir. Sayk Fong Lee fit alors un signe à son lieutenant qui lui ramena un petit coffre, qu’il posa sur la table.
Le sorcier l’ouvrit, pendant que son lieutenant s’orienta vers le juge afin de lui ouvrir la chemise violemment, arrachant les boutons de cette dernière et ceux du gilet par la même occasion.
- Mais que faites-vous ? Le juge voulut se dégager mais il n’y parvint pas, maintenu par les gardes mandchous.
Le lieutenant passa alors derrière Derek et glissa une lame sous la gorge.
Pendant ce temps, le sorcier finissait de préparer son matériel. Il s’agissait d’un mécanisme reliant une aiguille à un petit réservoir. Meï reconnut l’objet et lâcha un timide « non ».
Earl et Gillian la regardèrent rapidement avant de rediriger leur regard vers le sorcier mandchou.
- J’aurais pu vous tuer aujourd’hui. Sayk fong Lee actionna le mécanisme qui émit des petits bruits d’engrenages. Mais vous allez vivre en vous rappelant ce jour et jamais plus vous ne vous opposerez à moi !
Meï baissa la tête en grimaçant ; les mains sur ses cuisses agrippèrent sa robe, la serrant fortement.
Gillian et Earl assistèrent à la scène, impuissants. Dans la douleur, le juge se fit tatouer un Dragon sur la poitrine, juste au dessus du cœur.
Edward, Callum, Sarah et Rose avaient refusé que le jeune Riu Ru les conduise chez Guang Ying. L’adresse qui leur avait été donnée les conduisit dans une ruelle de la chaussée d’Antin, pas très loin des ruines fumantes du Théâtre des Ombres.
Le quartier chinois de la chaussée d’Antin était constitué de quelques rues et ruelles que rien ne prédestinait à accueillir des Orientaux. On distinguait la présence chinoise grâce aux enseignes de fer et aux plaques murales qui signalaient les petits commerces installés ici : restaurants, ébénistes, vendeurs de soieries ou de céramiques. Par endroits, des lampions rouges ornaient l’entrée d’un restaurant, tandis qu’ailleurs quelques idéogrammes incompréhensibles pour les parisiens étaient tracés à même les portes de bois. Les odeurs et parfums d’une cuisine étrangère flottaient dans l’air à proximité des restaurants et autres gargotes où des chinois prenaient leur repas.
Au bout d’une dizaine de minutes de marches, le groupe se trouva à l’adresse transmise. Les quatre amis grimpèrent une volée de marches jusqu’à ce qui semblait être une porte de magasin. Des rideaux de toiles aveuglaient les vitrines, indiquant que la boutique était fermée.
Callum frappa à la porte. Aucune réaction de l’autre côté se fit entendre. Aucune lumière n’éclairait l’intérieur du magasin. La faible clarté filtrant à travers les rideaux dévoilait la présence d’innombrables étagères et vitrines emplies de produits exotiques de toutes sortent : céramiques, porcelaines, ivoires, jade, ébénisterie… l’endroit semblait désert.
Callum frappa une nouvelle fois et tous tendirent l’oreille… Toujours aucun bruit. Le vieil écossais essaya alors d’ouvrir la porte ; cette dernière n’était pas verrouillée !
La porte s’ouvrit sur un couloir. Sur la droite, à quelques mètres, il y avait une porte qui donnait accès à la boutique qu’ils avaient pu apercevoir derrière les rideaux.
Les quatre comparses avancèrent prudemment. Face à eux, des escaliers descendaient ; certainement vers une cave ou un entrepôt. Ils décidèrent d’inspecter d’abord le rez-de –chaussée. Sur leur droite, une seconde porte les amena dans une petite cuisine. Visiblement, quelqu’un y préparait un repas mais avait quitté sa tâche précipitamment, peut-être aujourd’hui ou hier au plus tard.
Au fond, une nouvelle porte les amena dans ce qui était le lieu de vie. Dans cet appartement, le rare mobilier français partageait la place avec des embellissements chinois : estampes, vaisselle, vases… Mais il n’y avait toujours personne.
Le groupe décida alors de descendre les escaliers vers le sous-sol. Dès qu’ils ouvrirent la porte, un mélange de senteurs de toutes sortes leurs montèrent à la gorge. Une odeur tenace semblait cependant couvrir les autres : une odeur de graisse animale brûlée. Callum et Edward ouvrirent la marche, suivis des deux jeunes femmes, Rose et Sarah.
Le sous-sol était plongé dans le noir, à l’exception d’une très faible lueur provenant de derrière une caisse.
N’arrivant pas à distinguer grand-chose, les deux jeunes femmes remontèrent à la recherche de lampes. Elles n’eurent aucun mal à redescendre quelques minutes plus tard, chacune avec une lampe en main. Pendant ce temps, les hommes étaient restés immobiles, tentant de percevoir quelques chose ; mais il n’y avait ni bruit, ni mouvement.
Les hommes prirent les lampes et avancèrent prudemment, suivis de près par les deux cousines, leur offrant un rempart protecteur. Le faisceau de leurs lampes leur fit découvrir des rangées d’étagères emplies de marchandises d’importation. Sur le sol s’empilaient d’innombrables caisses marquées des noms de villes chinoises : Hong-Kong, Shangaï, Harbin, Pékin…
En s’approchant, ils virent d’où émanait la faible lueur : une petite chandelle posée sur une caisse. C’était également elle qui répandait l’odeur de graisse animale consumée. Elle était posée à côté d’une horrible figurine de cuir d’une vingtaine de centimètres de hauteur. Ils furent alors frappés par le côté étrange de la scène : la figurine ne projetait pas d’ombre !
Dans la pièce du fond, un vieil homme était assis en tailleur au milieu d’un cercle de cendres.
Les amis ne dirent pas un mot ; ils comprirent que le cercle de cendres constituait une protection pour le vieil homme, mais contre qui… ou quoi ?
Quelque chose passa rapidement à côté d’eux, ce qui leur fit marquer un temps d’arrêt. Sarah agrippa le bras de son amie. Elle ne dit rien mais le sera de plus en plus fort.
- Qu’est-ce qui ne va pas Sarah ? Questionna Rose.
Sarah ne la regarda pas, balayant du regard les moindres recoins de la pièce que les faisceaux des lampes éclairaient.
- Elle est là… Sarah marqua une pause, puis reprit. C’est comme en Inde… c’est ELLE !
Les hommes regardèrent Sarah. Edward rapprocha sa main de la crosse de son revolver tandis que Callum plissa les yeux, comme pour l’aider à mieux percevoir dans cette pénombre.
Au bout de quelques secondes, le groupe sursauta lorsqu’un objet tomba d’une étagère proche du cercle de cendre ; quelque chose essayait de faire se disperser les cendres afin de rompre la protection.
A l’aide de leurs lampes, Edward et Callum cherchèrent la créature qui se baladait autour d’eux.
Tout à coup, Rose se mit à hurler. Tous se tournèrent vers elle, elle se tenait l’avant bras, une ombre venait de mordre son ombre au bras gauche. Aussi vite qu’elle était apparue, l’ombre fila se réfugier derrière des caisses. Rose regarda son bras : des marques de morsures apparaissaient.
Les deux jeunes femmes se donnèrent la main et se mirent dos à dos, scrutant la pénombre autour d’elles à la recherche de leur agresseur.
Tandis que le stress montait chez le groupe d’amis, le vieil homme au fond de la pièce restait impassible.
Edward vit l’ombre passer rapidement d’un tas de caisses à un autre mais il n’eut pas le temps de l’éclairer pour la voir vraiment. Pendant quelques secondes, qui parurent interminables, plus rien. La créature ne bougeait plus. Seules les fortes respirations des quatre hommes et femmes se faisaient entendre.
C’est alors qu’Edward cria à son tour, son ombre venait de se faire mordre à la cheville. La douleur manqua de peu de lui faire lâcher la lampe. Mais cette fois, Callum fut plus rapide que la créature et parvint à pointer le faisceau de sa lampe sur l’ombre avant quelle ne se cache à nouveau. La créature émit alors un petit cri strident et se tordit de douleur avant de trouver refuge derrière une étagère.
La lumière blessait la créature. Le groupe eut un temps de réflexion.
- Retournons à l’étage pour trouver le maximum de source de lumière. Lança Callum.
- Et emmenons la bougie. Rétorqua Edward.
Les femmes regardèrent en direction du vieil homme au fond de la salle.
- Non, se ravisa Edward, on ne va pas laisser cet homme dans le noir.
Le groupe prit alors la direction des escaliers, c’est alors que Sarah poussa un cri : l’ombre venait de mordre la sienne, au niveau des hanches.
Edward pointa le faisceau de sa lampe sur Sarah. Il était trop tard, la créature avait fuit.
Arrivés au rez de chaussée du bâtiment, le groupe se dispersa afin de fouiller les trois pièces qui le composaient. Au bout de quelques minutes, tous se retrouvèrent face aux escaliers donnant vers le sous-sol. Callum, Rose et Edward avaient ramenés de nombreuses bougies, tandis que Sarah tenait dans chacune de ses mains une lampe à pétrole.
Méthodiquement, le groupe avança en prenant soin de rajouter des sources de lumières tout au long de leur chemin. Ils finirent alors, non sans mal, par réussir à piéger l’ombre malfaisante en l’acculant dans un coin de la pièce. Les hommes braquèrent alors leur lampe vers la créature et la blessèrent mortellement. L’ombre disparut dans un cri strident d’agonie.
Un silence pesant s’abattit alors dans la pièce. Au fond, le vieil homme restait immobile ; n’ayant montré aucune réaction face aux événements récents. Callum, Edward, Sarah et Rose s’approchèrent prudemment de lui.
C’était un vieux chinois d’environ 80 ans vêtu à la mode européenne. Il était chauve, mais possédait une longue moustache blanche qui lui tombait de chaque côté de la bouche.
Le vieil homme ouvrit les yeux et regarda dans la direction des occidentaux. Il ne fixa aucun des amis. L’homme était presque aveugle et distinguait mal son environnement, mais il compensait sa cécité par un grand discernement et l’acuité accrue des autres sens.
- Qui êtes-vous ?
Les quatre amis se regardèrent, puis Edward prit la parole.
- Nous avons éliminé la créature qui voulait s’en prendre à vous, vous n’avez plus rien à craindre.
- Et je vous en remercie. Il orienta son regard vers Edward. Mais vous n’étiez pas venu pour cela.
- Cinq hommes d’origine asiatique nous ont demandés de nous entretenir avec vous. Poursuivit Callum avec un ton serein.
Le vieil homme ne dit rien.
- Et nous avons sauvé une jeune fille hier soir. Une jeune chinoise, mais elle a apparemment été enlevée aujourd’hui par un certain Sayk Fong Lee. Compléta alors Edward sur le même ton que son compagnon.
- Sayk Fong Lee est l’un des plus méconnus et l’un des plus puissants sorciers mandchous. Révéla alors le vieux chinois. Il est le conseiller du maréchal Zhang Xueliang, un seigneur de guerre en Mandchourie. Les histoires les plus folles courent à son sujet. Certains affirment avoir vu d’étranges créatures se prosterner à ses pieds, d’autres disent qu’il est capable de commander aux démons de la terre et des vents. On dit de lui qu’il fut capable de duper l’horoscope en retardant l’heure de sa naissance. Il tua ainsi sa propre mère, mais devint natif du dragon, considéré comme le plus puissant des signes. Il est initié aux secrets les plus obscurs. Il sourit à l’écoute de récits qui feraient vaciller la raison du plus aguerri d’entre nous. Quant aux cinq hommes, ils font parti Des Gardiens du Dernier Sacrilège.
Le vieil homme se leva péniblement et se dirigea vers ses interlocuteurs.
- Sayk Fong Lee est venu en France chercher des artéfacts dont il a besoin pour conduire ses projets en Chine. Il passa au travers du petit groupe d’occidentaux et fit une pause. Des projets qui peuvent conduire le monde à sa ruine.
- Qui sont les Gardiens du Dernier Sacrilège ? Demanda Sarah.
- Il s’agit d’un vieil ordre, existant depuis des centaines d’années, mais aujourd’hui…
- Quelqu’un décime vos rangs. Poursuivit Callum.
Le vieil homme marqua une pause.
- En effet… Ces derniers temps nous avons essayé d’entrer en contact avec une jeune conservatrice, Mlle Fang, afin de nous entretenir avec Mr Lonsdale, un collectionneur. L’homme commença à se diriger vers les escaliers. Malheureusement, mademoiselle Fang nous a trahi et plusieurs d’entre-nous sont morts…
L’homme prit alors les escaliers afin de rejoindre la cuisine. Les quatre amis le suivirent.
Une fois dans la cuisine, il fit signe aux investigateurs de s’asseoir et reprit.
- La jeune fille qui était protégée par l’Arcane des Cinq Supplices s’appelle Liu Chen. Elle est ma filleule et la petite-fille d’un maître tatoueur mandchou. Il sortit une bouteille pleine de poussière ainsi que cinq petits verres. Sayk Fong Lee recherche cette jeune fille pour soumettre le maître tatoueur à un chantage. Il faut la retrouver et la protéger à nouveau.
- Mais pourquoi vouloir faire chanter un maître tatoueur ? Questionna Sarah.
Le vieil homme marqua un silence, le temps de poser un verre devant chacun de ses interlocuteurs et d’ouvrir la bouteille.
- Certains tatouages sont magiques. Il servit ses invités puis remplit son verre. Sayk Fong Lee recherche également un artéfact très rare, on dit qu’il est magique. Il représente un genre de portail et c’est sa rareté qui le rend précieux. C’est Louis Lonsdale qui possède cet objet et il ne faut pas que Sayk Fong Lee parvienne à lui faire dire où il l’a dissimulé.
- Et cette ombre que nous avons combattu, c’était quoi exactement ? Callum posa la question tout en humant le parfum qui se dégageait de son verre.
- De la sorcellerie chinoise. Les figurines de cuir peuvent faire apparaître des ombres qui attaquent d’autres ombres. Pour cela, les sorciers doivent brûler la graisse d’une créature de la nuit, une créature qui n’est pas de notre monde.
Sarah, Rose et Edward regardèrent Callum, celui-ci leur fit un signe de tête approuvant le fait qu’on pouvait boire le verre ; il devait certainement s’agir d’un alcool à base de riz.
- Et qu’attendez-vous de nous au juste ? Demanda Callum.
- L’arcane est la source d’un immense pouvoir. Les hommes qui ont offert leur vie au lancement de ce rituel étaient volontaires.
L’étonnement se lut alors sur le visage des occidentaux.
- J’ai créé l’arcane et je lui ai confié ma propre filleule afin qu’elle soit hors d’atteinte de Sayk Fong Lee.
- Vous voulez dire que la jeune fille y était maintenue prisonnière de manière consentante ? Répondit Callum d’un air surpris.
- Oui, et il faut absolument la retrouver afin de l’enfermer à nouveau dans l’Arcane. Les cinq hommes que vous avez rencontrés tout à l’heure et qui vous ont amenés à moi sont volontaires pour le rituel. L’homme eut un léger sourire. Mais si parmi vous il y a des volontaires, vous pouvez nous aider à reconstituer l’Arcane de cette manière aussi.
La proposition du vieil homme jeta un froid et Edward répondit.
- Sans façon, merci mais non merci.
- Et comment pouvons-nous faire pour récupérer Liu Chen ? Demanda Rose, encore grimaçante d’avoir bu son verre.
Une petite heure plus tard, Earl, Gillian, Derek et Meï arrivèrent chez Guang Ying. Ils avaient prit le soin avant de partir de fouiller la maison de Louis Lonsdale. Le Nécronomicon ne se trouvait pas chez lui, mais ils avaient mis la main sur des actions de chemin de Fer, une carte de visite de négociants de Shangaï, un étrange courrier de Bagdad et le journal de Louis Lonsdale.
A peine furent-ils arrivés au domicile du vieux chinois que le groupe décida de prendre congé et de se retrouver dans un restaurant afin d’échanger leurs découvertes et leurs mésaventures. Le courrier de Bagdad et le journal de Louis Lonsdale furent tout particulièrement examinés.
Il semblerait que Louis Lonsdale avait effectivement mis la main sur un ouvrage occulte que Guang Ying lui aurait dérobé, serait-ce le Nécronomicon ? Louis Lonsdale se serait également fait faire un tatouage magique par Agaï Chen, celui sur qui Sayk Fong Lee souhaiterait exercer un chantage, aux dires des Gardiens du Dernier Sacrilège.
Callum profita des différentes réflexions pour questionner Meï sur son comportement vis-à-vis des Gardiens du Dernier Sacrilège, cette dernière fut gênée et expliqua qu’elle n’avait pas pu faire autrement que de les dénoncer à Sayk Fong Lee.
A la fin de la conversation, Edward, Callum, Rose et Sarah apprirent aux autres que Guang Ying leur avait donné rendez-vous vers 22h dans une ruelle derrière la gare de l’Est afin de participer à la libération de Liu Chen avec ce qui restait des Gardiens du Dernier Sacrilège de Paris.
Vers 22h, l’exposition ferma ses portes aux visiteurs. L’espace de la gare réservé à l’exposition étant rendu inaccessible par des barrières, les investigateurs arrivèrent par une petite ruelle donnant un accès sur la partie de la gare de l’Est les intéressant : les quais parmi lesquels celui dont le train de la délégation manchoue était stationné. Ils y retrouvèrent Guang Ying et une dizaine de Gardiens du Dernier Sacrilège.
Discrètement, ils observèrent l’activité autour de la locomotive en pénétrant dans la gare par une porte de service. Ils virent Louis Lonsdale s’apprêtant à monter dans un des wagons.
Derek, Sarah, Gillian et Meï s’approchèrent discrètement du train. Arrivés à quelques mètres de ce dernier, ils surprirent une conversation entre Sayk Fong Lee et le lieutenant Russe Dononiev. A Dairen, les Japonais se seraient emparés d’un repaire secret de Sayk Fong Lee et auraient pris un captif qu’il retenait prisonnier.
Malheureusement, la discrétion des amis ne fut pas optimale et ils attirèrent l’attention d’un garde mandchou stationné non loin d’eux. Ce dernier hurla quelques mots, ce qui provoqua un état d’alerte de l’ensemble des forces mandchoues présentes.
Un événement se produisit alors et tous les regards s’orientèrent vers le ciel. La lune s’était élevée dans la nuit, projetant l’ombre du cerf-volant que la délégation Mandchoue avait mis en place en début d’après-midi sur un immeuble voisin. Aucun souffle de vent ne faisait bouger le cerf-volant et pourtant, son ombre était en train de s’animer sur les murs ! La forme sombre s’orienta vers un vieil homme se trouvant non loin des quais, Earl et Gillian reconnurent Stuart Tanner. Dans un cri strident, la forme dévora l’ombre de l’homme, qui tomba à terre.
Les événements s’enchainèrent rapidement, les combats commencèrent à différents endroits du quai et de la ruelle.
Earl se dirigea vers Derek, Sarah, Gillian et Meï qui se retrouvèrent chacun aux prises avec un sbire du Sorcier, sauf Derek qui lui, en eut deux à gérer.
Callum, Edward et Rose quant à eux décidèrent de s’orienter vers le cerf-volant. Afin de détruire l’ombre, il fallait éteindre la bougie qui se trouvait liée au cerf-volant. Mais face à eux, il y avait quatre gardes mandchous qui protégeaient son point d’ancrage.
Deux gardes mandchous s’interposèrent entre Earl et ses compagnons, mais l’ex-marine n’eut aucun mal à s’en débarrasser, les tuant sur le coup d’une simple droite à chaque fois. Il n’avait visiblement rien perdu de ses talents de boxeur. De leur côté, les quatre amis eurent un peu plus de mal. Gillian, Meï et Sarah réussirent tout de même à se débarrasser de leur agresseur, après avoir reçu toutefois quelques coups. Les deux femmes occidentales les tuèrent à l’arme à feu alors que la chinoise supprima son agresseur à mains nues. Par contre Derek n’arriva même pas à effleurer ses adversaires et commençait à faiblir sous les coups de ces derniers. Sarah et Earl lui vinrent alors en aide, tuant les chinois.
Du côté du cerf-volant, Callum et Edward avaient sorti leur pistolet et prenaient pour cibles les mandchous, pendant que Rose s’était précipitée vers l’endroit où le cerf-volant était attaché, afin de faire redescendre ce dernier. Callum tua trois chinois et Edward abattit le dernier. La jeune chirurgienne commença alors à redescendre l’objet maléfique.
Dans la ruelle, les Gardiens du Dernier Sacrilège tombèrent les uns après les autres sous les attaques de la créature, leurs ombres se faisant dévorer les unes après les autres. Guang Ying tenta désespérément de lancer un sortilège pour se protéger, mais l’ombre était déjà sur lui. Il s’écroula, mais son ombre parvint à s’échapper de l’emprise de l’ombre maléfique et elle se détacha de son corps, rampant dans la direction du train. Sur le quai, prêt à embarquer, Louis Lonsdale était là, avec le lieutenant de Sayk Fong Lee et deux sbires du sorcier. L’ombre de Guang Ying disparut alors dans le torse du vieil homme qui eut un violent spasme le mettant à genoux. Quelques secondes plus tard, l’ombre du cerf-volant suivit le même chemin, entrant violemment dans le torse du collectionneur, mais cette fois il s’écroula. Le lieutenant du sorcier le releva et le monta dans le wagon avec l’aide de ses gardes.
C’est à ce moment que Rose éteignit la bougie après avoir descendu le cerf-volant. Mais c’était trop tard, l’ombre avait pris la fuite.
Le train de la délégation mandchoue démarra, Gillian et Meï coururent pour tenter de monter à bord mais n’y parvinrent pas. Elles regardèrent le train s’éloigner ; Sayk Fong Lee fit alors son apparition à la porte du dernier Wagon et lança un regard noir vers les jeunes femmes.
Derrière la gare de l’Est, la ruelle devint silencieuse. Il y avait quelques minutes à peine, elle était le théâtre d’un affrontement hors du commun, entre des êtres de chair et des ombres. Des corps gisaient par endroits dans les sous-sols de la gare de l’Est. Au loin, quelques voix encore très éloignées demandaient que l’on prévienne la police.
Une petite fourgonnette pénétra dans la ruelle et s’arrêta à hauteur des survivants du drame. Elle était conduite par un chinois. Sortant de la gare, deux Gardiens portèrent le corps de Guang Ying jusqu’au véhicule. Riu Ru, le jeune disciple était avec eux.
Georges Guédon arriva à ce moment là, essoufflé, il venait de courir mais s’aperçut qu’il arrivait trop tard.
- Que s’est-il passé ? Tout en lançant cette question, il regarda le vieux chinois mourant et les blessés se trouvant dans la ruelle.
Il ne reposa pas sa question, malgré l’absence de réponse mais se contenta de suivre les survivants dans la fourgonnette.
Georges Guédon prit place le dernier dans le véhicule, s’asseyant à côté d’Edward, rejoignant ainsi les huit aventuriers et un des survivants des Gardiens du Dernier Sacrilège. Riu Ru quant à lui avait prit place à l’avant de la fourgonnette avec un autre membre des Gardiens. Le véhicule démarra et prit la direction de la maison de Guang Ying.
Rose examina le vieux chinois et se rendit compte qu’il respirait encore.
Le silence ne fut pas rompu durant tout le trajet.
Arrivés sur place, tous se réunirent dans le sous-sol du magasin du vieux chinois. Guang Ying fut allongé sur le sol. Autour de la pièce, toutes sortes de chandelles furent allumées, comme pour chasser les ombres maléfiques ou écarter le mauvais œil. D’ailleurs, Earl remarqua que le corps de Guang Ying ne projetait plus d’ombre, découverte qu’il ne manqua pas de partager discrètement avec ses amis.
Rose s’agenouilla à côté du vieux chinois.
- Pourquoi l’avoir amené ici ? Il me faut du matériel pour pouvoir faire quelque chose.
Guang Yin leva alors péniblement sa main droite.
- Vous ne pouvez pas me sauver… Il fit signe à Edward et aux autres de s’approcher.
- Je vais mourir, mais avant il faut que je vous mette en garde. Vous devez savoir…
Les amis formèrent un cercle autour du vieil homme certains s’agenouillant ou s’accroupissant et d’autres restants debout ; seul Georges Guédon resta à l’écart, restant tout de fois très attentif à l’échange.
- Soyez remerciés de votre aide contre Sayk Fong Lee. Même si nous avons échoué à sauver Liu Chen, vous avez repoussé l’ombre de l’Esprit Affamé qui planait sur Paris.
Il toussa.
- Comme je vous l’avais déjà dis, Liu Chen est la petite-fille d’un maître tatoueur chinois appelé Agaï Chen. Le sorcier mandchou peut désormais exercer un chantage sur lui. L’unique raison de ce chantage serait d’avoir besoin de tatouer son propre dos.
- Mais pourquoi ? Demanda Gillian.
- Sachez que le plus puissant des tatouages magiques doit être dessiné sur le dos de son porteur. C’est le tatouage Suprême des Rançonneurs de Droit Divin, qui offre des pouvoirs inconcevables et permet de commander à leur monture infernale : le Messager des Tourmentes.
Guang Ying porta alors son regard sur Derek, puis Meï.
- Si Sayk Fong Lee devient un Rançonneur de Droit Divin, les hommes et femmes qui sont tatoués par le Sceau du Dragon deviendront ses serviteurs aveugles.
Meï baissa la tête, tandis que le juge regarda en direction de son tatouage.
Callum s’approcha alors du vieil homme et lui montra des dessins.
- Ces tatouages, ils sont magiques n’est-ce pas ?
Guang Ying prit le temps d’examiner les dessins.
- Il s’agit de la Griffe Acérée du Dragon, qui augmente la force du porteur et de l’Ecaille du Dragon, qui améliorer sa résistance… Où avez-vous… ?
Il arrêta sa phrase et redonna le papier à Callum avant de reprendre, s’adressant à l’assemblée.
- Vous devez vous rendre en Mandchourie et trouver Agaï Chen avant que Sayk Fong Lee ne le trouve ! Il saura comment obtenir l’aide des Gardiens du Dernier Sacrilège.
Il grimaça de douleur puis reprit son souffle.
- Sayk Fong Lee manipule les forces de la région. Mais il a un ennemi, qui n’est pas notre allié… Il reprit à nouveau son souffle. N’approchez pas de l’Océan Noir…
Guang Ying mourut sur ces derniers mots.
Les Gardiens du Dernier Sacrilèges présents se précipitèrent vers le corps de leur maître. Les occidentaux, ainsi que Mlle Fang remontèrent au rez-de-chaussée.
- Il faut arriver en Mandchourie avant Sayk Fong Lee. Lança Derek.
- Il lui faudra 12 à 15 jours pour atteindre la Mandchourie par le Transsibérien. Enchaîna Earl.
- Et si nous prenions le prochain train pour la Mandchourie ? Suggéra Gillian.
- Il vous faudrait bien plus longtemps pour atteindre votre destination. Intervint Georges Guédon. Le territoire russe ne se traverse pas comme ça, il vous faudrait des tas d’autorisations qu’il vous serait très difficile d’obtenir.
- Comment faire ? Derek lança cette question en se parlant à lui-même.
- Je dois prendre de nouvelles fonctions au consulat de Dairen, l’avant-poste des Japonais en Mandchourie. J’ai un avion en cours de réparation pour ce voyage. Je peux demander à mon ministère d’en changer pour accueillir des passagers.
Georges Guédon attira l’attention de son auditoire, il poursuivit.
- Sur place, je peux vous proposer des facilités de contact avec le consulat français pour les papiers, billets de train, laissez-passer, etc…
- Pourquoi feriez-vous cela ? Questionna Callum.
- Et bien, disons que j’étais impuissant tant que la délégation Mandchoue était sur le sol français, et ce même si je savais qu’ils enfreignaient certaines lois. Mais maintenant, je peux agir… Et puis le gouvernement français recherche également le moyen d’établir un contact officiel avec le seigneur de guerre mandchou, en évitant si possible l’intermédiaire de Sayk Fong Lee. Si vous prévoyez de vous enfoncer à l’intérieur du pays, vous pourriez établir ce contact et rendre compte.
Tous échangèrent un regard puis Derek prit la parole.
- Nous allons en discuter et nous vous tiendrons au courant rapidement.
- Il me faut une réponse demain matin au plus tard, car mon vol est prévu pour mardi fin de matinée, ce qui me laisse peu de temps pour demander un autre appareil.
Les huit amis le saluèrent et juste avant de partir Georges lança.
- C’est la première fois que j’entends parler de l’Océan Noir. Je pense qu’il peut être intéressant, pour une meilleure connaissance des différents acteurs de la région et vis-à-vis de Sayk Fong Lee, de savoir de quoi il s’agit.
Après quelques échanges, le groupe décida de profiter de l’offre de Georges Guédon. Chacun profiterait du lundi pour se préparer au voyage, se donnant rendez-vous mardi matin pour le départ.
Lundi 31 Août 1931
Assis au Bureau de sa chambre d’hôtel, Earl était en train de nettoyer son arme. Son Remington était entièrement démonté et l’ex-militaire prenait un soin tout particulier à nettoyer chacune des pièces de l’arme. Tout en le faisant, il se perdait dans ses pensées. Il allait à nouveau s’engager dans une aventure, pas dans une enquête comme il avait pu faire ces derniers années, mais quelque chose de plus gros, il le sentait, et un doute traversa son esprit : Survivrait-il à celle-ci ?
- T’es con... Se dit-il à lui-même tout en secouant la tête.
Il avait prévenu Will et lui avait annoncé que Gillian serait de la partie. Son ami avait eu alors la même réaction que lui lorsque Gillian affirma son intention d’être du voyage… Toutes ces années passées à tenter de la protéger en l’éloignant de tout ça, et aujourd’hui… De toutes façons, il savait, tout comme Will qu’il était impossible de tenter de lui faire renoncer, Gillian avait toujours été quelqu’un de déterminée qui faisait ce qu’elle voulait.
- Cette fille est une vraie tête de mule… Trop gâtée par ses parents. Le sourire qui commençait à se dessiner sur son visage s’effaça aussitôt. Earl repensa à Clarence et Miep et leur fin tragique. Ainsi qu’à celle de Matthew, Thomasa… et de Katy. Il se figea.
Will lui avait demandé s’il avait besoin de renforts et il avait répondu que non. Il reprit le nettoyage de son arme.
Il y avait Callum, certes un peu vieux, mais bien que peu bavard sur son passé, il devait certainement être un ancien militaire. Edward quant à lui, malgré son apparence un peu bourgeoise semblait également se défendre au pistolet et au combat rapproché. Chez les hommes, seul le juge semblait être à ses yeux un poids à trainer plus qu’autre chose. Certes il semblait avoir de nombreuses connaissances qui pourraient se révéler utiles, mais sa piètre performance lors de l’affrontement d’hier soir et son air supérieur l’insupportaient.
- Encore un Anglais. Se dit-il tout en affichant un timide sourire. Lui qui ne supportait pas les anglais il y avait encore quelques années était gâté : trois hommes l’accompagnaient dans cette aventure et tous étaient anglais.
Au niveau des femmes, il y avait cette jeune chinoise, une guerrière dans l’âme, bien qu’encore trop mystérieuse. Rose quant à elle, une femme d’une grande gentillesse, et médecin… Un médecin avait grandement manqué lors de l’affrontement contre les forces occultes servant Nyarlatothep. Sa cousine Sarah était quant à elle plus intrépide, elle lui rappelait un peu Katy. Et puis il y avait Gillian…
Il prit une grande inspiration et remonta son arme.
Meï venait de finir son entraînement quotidien au Bagua et passa à la douche. Elle fit couler l’eau en un filet puissant et régulier. La chaleur de l’eau fit rapidement monter des volutes de fumées dans la pièce.
Avait-elle fait le bon choix en rejoignant le groupe d’occidentaux, défiant ainsi ouvertement Sayk fong Lee ? La jeune femme était perdue. Lorsqu’elle avait trahit les Gardiens du Dernier Sacrilège en les dénonçant au Sorcier mandchou, cela l’avait dévastée. Elle savait qu’elle avait fait quelque chose de mal, mais elle n’avait pas d’autres options… Du moins à l’époque. Maintenant, avec ce groupe d’occidentaux, peut-être avait-elle une chance de trouver le moyen de se défaire de l’emprise de Sayk Fong Lee.
Elle passa la main sur son épaule gauche, caressant doucement le tatouage représentant un dragon.
Elle avait longuement hésité, perdant tous ses moyens à la vue du sorcier ou de l’un de ses sbires. Mais l’apparition du marchand ambulant… lorsque Sayk Fong Lee avait tatoué le juge… et le combat d’hier soir… La jeune femme passa délicatement du savon sur son corps à l’aide d’un gant de soie.
Elle avait enfin réussi à tenir tête à son maître… La présence des occidentaux y était pour quelque chose, il fallait qu’elle les suive et les aide à contrecarrer les plans du sorcier.
Derek apposait sa signature en bas de la lettre qu’il adressait à sa fille. Il venait d’en écrire une autre pour son garde du corps Travis ainsi qu’à Jeffrey, son majordome. A ses employés, il avait demandé de prendre soin de sa fille et de l’empêcher de venir le rejoindre. A sa fille, Elizabeth, il avait écrit combien il l’aimait et qu’il fallait qu’il parte pour l’extrême orient afin d’y trouver des réponses. Ce à quoi ils avaient été confrontés en vieille Angleterre n’était que la partie émergée de l’iceberg, il en était convaincu. Des forces bien plus puissantes et mystérieuses existaient et ce mystère avec le sorcier mandchou allait se révéler d’une importance capitale, il en était persuadé.
Il existait notamment ce livre, le Necronomicon, qui semblait renfermer tant de réponses.
Son regard se posa sur le tatouage que sa chemise entre-ouverte laissait apparaître.
- Cette ordure me le paiera… Il grimaça en posant un doigt sur sa peau meurtrie.
Ce tatouage était apparemment magique, le condamnant à devenir l’esclave du sorcier lorsque ce dernier sera devenu Rançonneur de Droit Divin.
Existait-il un moyen de se débarrasser de cette malédiction ? Peut-être suffisait-il simplement de s’arracher la peau, après tout, une chirurgienne s’était jointe à eux.
- Je trouverai un moyen… Se dit-il en léchant le haut de l’enveloppe afin de la fermer.
Face à son miroir, tout en se rasant, Edward se perdit dans ses pensées.
Mais dans quoi allait-il se lancer ? Cette aventure sentait mauvais, ça c’était clair. Il avait hésité à se joindre au groupe pour l’expédition en Mandchourie. Mais il y avait Gillian, il ne pouvait pas la laisser partir comme ça.
Il tapota son rasoir sur le rebord de l’évier tout en secouant la tête.
- Tu vas t’attirer des ennuis mon gars. Un sourire se dessina sur ses lèvres.
Et puis il y avait Rose, elle aussi partait pour l’extrême orient. D’ailleurs elle l’avait surpris en se jetant dans la bataille hier soir, courant vers le cerf-volant sans se soucier des gardes mandchous, faisant aveuglement confiance à Callum et à lui-même. Cette fille était incroyable.
- Allez, cette aventure ne te tuera pas. Il recommença à se raser. Du moins je l’espère…
Les deux cousines venaient de finir de préparer leurs valises.
- Tu ne crois pas qu’on fait une bêtise ? Rose actionna les verrous de sa valise tout en lançant cette question.
Sarah la regarda et se dirigea vers elle. Elle lui prit les mains et toutes deux s’assirent sur le lit.
- Ecoute Rose, je comprends que tout ceci puisse te terrifier. Les jeunes femmes se regardèrent dans le fond des yeux. JE suis terrifiée… Mais je sens qu’il faut qu’on y aille, la réponse au problème de mon ombre, je suis sûre qu’on la trouvera en nous rendant en Mandchourie.
- Oui je sais… Rose orienta son regard vers le sol. Mais…
- Rose… Sarah attendit que sa cousine la regarde à nouveau. Si tu veux, tu peux rester ici.
- Non…
- Tu sais, j’ai besoin de toi…Les yeux de Sarah commencèrent à se remplir de larmes. Quand je suis rentrée à l’hôtel en Inde, après ma mésaventure, ce qui me manquait le plus au monde, c’était toi. Je ne veux plus qu’on soit séparées, je ne veux plus voyager, prendre des risques.
Les deux cousines se jetèrent dans les bras l’une de l’autre.
- Ceci sera ma dernière aventure, mais je veux retrouver mon ombre intacte.
- Je ne t’abonnerai jamais. Répondit Rose en ne pouvant contenir ses larmes. Je t’aime sœurette.
Gillian se coiffait lentement tout en fixant le miroir face à elle. Edward l’avait invitée au restaurant ce soir, histoire de se changer les idées avant le départ pour la Mandchourie et elle était ravie de cette initiative.
- Mais dans quoi tu t’embarques ma vieille ? Se demanda-t-elle en posant sa brosse sur le buffet.
Pendant toutes ces années, elle avait tout fait pour oublier… Et Will avait œuvré aussi dans ce sens. Qu’elle retrouve une vie normale, voilà le but de toutes ces années. Et là…
De plus, elle embarquait Edward avec elle, car il était clair que son ami avait rejoint le groupe uniquement pour ne pas la laisser seule. Mais de savoir Edward à ses côtés, cela la rassurait.
Et puis il y avait Earl.
- Earl… Elle eut un sourire.
Lorsqu’elle l’avait revu, un sentiment étrange et intense l’avait envahie. Il n’avait pas changé… enfin si, un peu…
Elle savait que ce n’était pas raisonnable de se lancer dans cette aventure, mais c’était plus fort qu’elle. Et puis avec Earl à ses côtés, elle ne craignait rien ; après tout, il avait survécu, tout comme Will, à l’affrontement face à un Dieu. Les éclairs qui avaient jaillis de ses mains n’avaient pas eu raison de ses amis. Si un Dieu n’avait pas pu les tuer, rien ne le pourrait.
Gillian ouvrit son rouge-à-lèvre et commença à se maquiller.
De la fenêtre de sa chambre d’hôtel, Callum regardait les parisiens dans leur quotidien d’hommes pressés.
Dans quelle nouvelle enquête allait-il se lancer ? Elle semblait bien plus sombre que celles qu’il avait déjà menées.
- Le Necronimicon. L’homme lança ces mots, perdu dans ses songes.
L’original de ce livre impie serait quelque-part et des forces maléfiques chercheraient à s’en emparer.
Ce Sorcier, Sayk Fong Lee, quels étaient réellement ces objectifs ? Devenir Rançonneur de Droit Divins, que cela signifiait-il ? Dominer le monde, littéralement ?
Et puis il y avait Meï et Derek, tous deux avaient été marqués du Sceau du Dragon ; pouvait-on encore leur faire confiance ?
L’homme tira longuement sur sa pipe.
Et cet homme… Etait-ce lui ?
Il laissa lentement s’échapper la fumée de sa bouche.
Il fallait absolument qu’il sache si c’était bien lui, et dans ce cas…
Acte 2 : Voyage / DAIREN / BAYUKAN